Blog

Témoignage et d"passement des "à priori" de Ilona Fried

Voici quelques extraits du témoignage d’une praticienne en yoga américaine, Ilona Fried, qui découvrit un jour la Méthode Feldenkrais :

« Je n’avais pas l’intention d’arrêter le Yoga. J’avais pratiqué de manière plutôt régulière pendant plus de dix ans, en commençant par l’Ashtanga, puis je suis passée au Power Yoga de Baron Baptiste (à Boston et à Denver), avant de migrer vers le Yoga de Forrest (à Denver), où j’ai fini par avoir la joie de réussir à être debout sur mes mains. Mais une blessure à la jambe et aux pieds que j’ai subie pendant que je faisais la partie espagnole du chemin de Saint Jacques de Compostelle à l’automne 2012 ont rendu de nombreuses positions debout en Yoga douloureuses, sinon impossibles. Ma quête de soulagement m’a emmenée voir un médecin spécialiste du pied, deux kinésithérapeutes, une masseuse des tissus profonds et un Rolfeur. En dépit de traitement en acupuncture et un troisième jeu d’orthèses, ma blessure ne semblait pas guérir. Je ne pouvais pas passer beaucoup de temps sur mes pieds, point à la ligne, sans parler de randonner, danser ou faire du Yoga, des activités qui me stimulaient positivement et qui me permettaient de ne pas vaciller vers la dépression. J’ai démarré la natation et, après avoir enchaîné des longueurs quotidiennement, j’ai développé une allergie au chlore. Cet été-là, j’ai loué une chambre à Boulder de manière à pouvoir nager dans le lac. Ca ne suffisait pas pour que mon moral surnage. Quand je suis tombée par hasard et que j’ai boité pour entrer dans un cours de Prise de Conscience par le Mouvement (cours collectif de Feldenkrais), j’étais aux abois. La publicité Facebook disait que le cours mettait en jeu des mouvements lents et délicats. Ça, je pouvais faire, bien que j’avais envie de mouvements grands et vigoureux. Pendant cette première leçon, nous étions une poignée en vêtements de ville et nous nous sommes allongés sur des tapis de sol couverts d’un tissu de jeans. L’enseignant nous a guidés à travers une séries de mouvements qui, pour moi, étaient atrocement lents et répétitifs jusqu’à l’engourdissement, apparemment sans objectif clair. Il nous a dit de bouger encore plus lentement et de ne pas approcher notre pleine amplitude de mouvement. Puis, il nous a dit de nous reposer. Mon bavardage intérieur est devenu dingue : « Se reposer ? On a à peine bougé ! On n’a pas une goutte de sueur ! » « C’est barbant ! » « C’est pour les vieux ! » « Il s’arrête quand, ce délire ? » Après avoir enduré 45 minutes de torture auto-infligée en bougeant lentement, j’ai entendu l’enseignant nous dire de nous lever et de sentir d’éventuelles différences. A mon grand étonnement, je me sentais revigorée et extrêmement présente, comme si quelqu’un avait appuyé sur le bouton « Remise à zéro » de mon système nerveux. Disparus l’anxiété et le désespoir que je vivais moins d’une heure auparavant, même si mes conditions de vie n’avaient pas changé et que ma jambe me faisait toujours mal. Mais j’avais changé, d’une façon que je ne pouvais saisir sur l’instant, encore moins l’expliquer. La transformation de la perception de soi semblait profonde, d’une nouvelle manière. Ma blessure à la jambe, qui avait dominé mon paysage émotionnel depuis des mois, avait soudain reflué au second plan. Je savais que tout irait bien même si je n’irais plus conquérir de nouveaux sommets. À chaque fois que je retournais en cours, c’était magique. J’ai cessé de protester contre les mouvements ingrats, sans posture définie et dénués de sens, et j’ai compris qu’ils m’aidaient à apprendre à être très finement attentive à moi-même. J’ai commencé à lire des livres de Moshé Feldenkrais, juif et physicien, ingénieur et maître de Judo, qui a développé sa méthode afin de guérir ses propres blessures invalidantes au genou. Mon attitude envers la mécanique de ma blessure est passée de la frustration à la fascination, j’ai commencé à considérer ma douleur à la hanche — chronique mais intermittente, pour laquelle je trouvais à l’époque un soulagement temporaire dans la posture du pigeon — comme un puzzle à résoudre ou une combinaison de coffre à découvrir. Plus je pratiquais Feldenkrais®, plus j’en appréciais le postulat. Dans une société qui a développé une culture de mouvements rapides, dynamiques et sexys, la méthode Feldenkrais® peut sembler déroutante. Mais l’idée derrière les mouvements petits et parfois à peine perceptibles est simple : bouger très lentement, dans une amplitude restreinte et avec conscience aide le cerveau à percevoir des différences, ainsi il peut choisir le chemin le plus facile. Le cerveau, tel un amateur de vin, prend de petits échantillons pour faire des distinctions. Il a besoin de pauses régulières pour intégrer de nouvelles informations. Le fait de bouger rapidement ou bien avec trop d’effort est, du point de vue du cerveau, un peu comme de se saouler : ça peut être agréable sur le moment mais il y a peu de chances que ça amène à un meilleur fonctionnement. Plus je plongeais dans le Feldenkrais®, plus j’appréciais sa culture « sans fioriture ». J’aimais tellement Feldenkrais® que je me suis inscrite à une formation professionnelle afin d’approfondir ma conscience somatique (le soma est le corps senti par le sujet, plutôt que le corps objet. Ndt). Il reste encore des années avant la fin de cette formation, mais simplement après 11 semaines de formation réparties sur neuf mois, voici une courte liste de ce que j’ai observé grâce à des mouvements lents, allongée, assise ou bien en roulant sur le sol : • Ma douleur à la hanche a quasiment disparu. • Mes vertèbres s’empilent confortablement et sans effort quand je médite, sans que j’aie besoin d’ajuster mon alignement. • Ma respiration est beaucoup plus profonde et relâchée. • Mon corps bouge avec une légèreté nouvelle et une aisance qui semble miraculeuse. Puisque la méthode Feldenkrais® rend tous les mouvements plus faciles — que ce soit de se lever d’une chaise, de monter à cheval ou de faire chaturanga — de nombreuses postures de Yoga me sont probablement plus accessibles aujourd’hui que lorsque j’essayais d’être une Yogi. »

Leave a Comment:

0 Partages
Partagez
Tweetez
Partagez